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Etude de faisabilité précoce : un outil pertinent à mettre en place au niveau européen

Publié le 28 mars 2023 par Patrick RENARD
L'UE va participer au financement d’un consortium européen afin de mettre en place une méthodologie harmonisée aux EFP.
Crédit photo : © artjazz - stock.adobe.com

Etablies outre-Atlantique - il y a maintenant 10 ans - par la FDA, les études de faisabilité précoces offrent un moyen d'accélérer l'accès des dispositifs médicaux innovants au marché. Un exemple à suivre en Europe, à condition qu'un cadre réglementaire approprié soit formalisé.

Frédéric Barbot (source Inserm).

Par Frédéric Barbot, Praticien Hospitalier, Inserm CIC 1429, hôpital Raymond Poincaré APHP, Garches. Tech4Health. Réseau d’expertises F-Crin.

Les 27 pays de l’Union Européenne (UE) n'ont pas encore de cadre réglementaire formalisé spécifique aux études de faisabilité précoces (EFP, ou EFS en anglais pour early feasibility study) même si celles-ci font partie des investigations cliniques possibles en pré-marquage CE dans la norme ISO 14155:2020. Le guide MDCG 2021-6 dit que les EFP sont directement régies par l’article 62 du règlement (UE) 2017/745 sur les dispositifs médicaux (RDM) si les données cliniques sont utilisées pour étayer l’évaluation de la conformité (sécurité et/ou données de performances) du produit.

Dans l’UE, il est donc possible de mettre en place des EFP mais il n’existe pas encore de programme et de processus réglementaire harmonisés. Peu utilisées, de telles études sont souvent inconnues des start-up et même des PME de technologies de santé européennes.

Définition d’une étude de faisabilité précoce

L’EFP est une investigation clinique d'un dispositif non finalisé au début de son développement. Le recrutement d’un petit nombre de patients, généralement inférieur à 10, permet d’évaluer la preuve de concept en termes de sécurité clinique initiale et de fonctionnalité lorsque ces informations ne peuvent être fournies par des évaluations non cliniques ou des tests non cliniques. Cette évaluation permet de guider, si besoin, les modifications du dispositif.

La FDA a été le premier organisme en 2013 à mettre en place un programme spécifique aux EFP. Celui-ci est ouvert aux dispositifs médicaux assujettis à une notification 510(k), une PMA (Premarket Approval), une classification De Novo et une HDE (Humanitarian Device Exemption).

Une étude de faisabilité précoce diffère d'une étude de faisabilité traditionnelle et d'une étude pivot. Une étude de faisabilité traditionnelle est habituellement conduite sur un petit nombre de patients mais avec un dispositif quasi finalisé en termes de conception, le niveau de maturité étant donc plus élevé. Le but de l'étude de faisabilité traditionnelle est de recueillir des informations sur les données initiales de sécurité et d’efficacité du dispositif. Quant à l'étude pivot ou confirmatoire, elle vise à établir la sécurité et l'efficacité du dispositif. Le nombre de patients est calculé avant le début de l’étude sur le critère de jugement principal au sein d’une investigation clinique si possible contrôlée randomisée.

Une étape pour générer des données préliminaires

En Europe, les possibles EFP sont souvent soumises sous forme d’études de faisabilité traditionnelles. Mais l’étude de faisabilité précoce doit faire partie intégrante du processus réglementaire au cours du cycle de développement d’un dispositif. Elle doit intervenir au niveau de développement technologique TRL2 (concept technologique formulé) ou TRL3 (preuve de concept expérimentale). L’objectif est d'obtenir des informations sur la sécurité, les performances, les défaillances, l’utilisabilité du dispositif, la technique de l’opérateur, la courbe d’apprentissage, et l'identification d’une population cible représentative. Il s’agit d’optimiser la conception technique ou la procédure clinique, ou la technique de l’opérateur, ou encore la population cible lors d’une première expérience clinique. Bien que ces études ne soient pas conçues pour tester l’efficacité du dispositif, il est utile d’inclure un paramètre d’efficacité afin de récupérer des preuves cliniques préliminaires.

Les protocoles cliniques sont flexibles afin de permettre des modifications en cours d’étude. Une EFP n’est pas une obligation ; elle est utile si aucune donnée préclinique n’est disponible. Si elle est bien conçue, elle devrait fournir assez d'informations sur l’utilisation du dispositif afin de poursuivre son développement vers une étude de faisabilité traditionnelle ou pivot. L’EFP devrait conduire à une preuve de concept précoce de meilleure qualité et pourrait accélérer la certification vers le marquage CE, à condition que le processus réglementaire soit fluide.

Une collaboration étroite entre les entreprises de technologies de santé, les agences de réglementation, les comités d’éthique, les académiques (cliniciens) et les associations de patients est souhaitable afin de fluidifier le parcours et la soumission réglementaire de l’EFP.

Des investigations cliniques à risque

L’EFP accepte un degré de risque beaucoup plus élevé et il est essentiel de bien définir ces risques. L'étude doit intégrer une analyse et une stratégie d’atténuation des risques (voir la norme ISO 14971:2019), sur le dispositif, la procédure clinique et vis-à-vis des intervenants de la recherche (voir norme IS0 14155:2020). L’évaluation du rapport bénéfice/risque tout au long de la prise de décision est fondamentale. La sécurité du patient reste la principale préoccupation. La note d’information et le consentement éclairé seront adaptés aux risques liés au développement précoce du dispositif.

Il est nécessaire de détailler les risques potentiels liés au fait que la conception du dispositif n'est pas finalisée. Une surveillance clinique continue et individualisée est requise au sein de centres spécialisés capables de gérer les inconnues associées à ce type d’études. Mais le recrutement des patients peut être difficile. Les connaissances acquises lors de l'EFP permettront d’ajuster les changements du dispositif ou du protocole clinique.

Un cadre pour les technologies innovantes

Les innovations de rupture avec un degré élevé de nouveauté lié à la procédure clinique ou chirurgicale ou au dispositif, et associé à un bénéfice clinique pour le patient, représenteraient des candidats très intéressants. Comme on l'a vu, les dispositifs éligibles à l'EFP sont caractérisés par un stade précoce de développement ou une conception pas encore finalisée. Il peut s'agir de dispositifs pour lesquels les évaluations complémentaires précliniques (tests in vitro ou sur animaux, ou essais in silico) ne fournissent pas les informations nécessaires pour poursuivre le développement.

Mais tous les dispositifs peuvent être éligibles, par exemple les produits marqués CE pour lesquels le fabricant propose une nouvelle indication ou une innovation incrémentale. Il peut aussi s'agir de dispositifs déjà commercialisés mais en dehors de l’Europe, ou encore des produits dont les alternatives thérapeutiques sont limitées ou inexistantes.

Un outil à adapter aux technologies numériques

Si on regarde plus particulièrement les systèmes d'intelligence artificielle (IA), on constate qu'il n’existe pas de document d’orientation au niveau européen sur leur évaluation clinique précoce. Les études de faisabilité précoces adaptées aux systèmes d’IA reposeraient sur de petites études prospectives non comparatives de patients. Il serait par exemple intéressant d’évaluer et de comparer la performance des données d’entrainement du modèle d’IA et de données en vie réelle, afin d’anticiper les possibles variations du système d’IA. Il en va de même pour l’évaluation des facteurs humains, qu'il s'agisse de l'utilisabilité ou de la courbe d’apprentissage sur des patients et professionnels de santé.

Bonne nouvelle : l’UE va participer au financement d’un consortium européen afin de mettre en place une méthodologie harmonisée pour les EFP. Il est en effet fondamental d’instituer un processus réglementaire adaptable afin d’amener des DM et des DMDIV innovants sûrs et efficaces au marquage CE, y compris des technologies numériques à base d’intelligence artificielle. Ce processus réglementaire doit favoriser l’innovation et fournir un accès précoce et large à des dispositifs médicaux innovants en particulier pour des patients ayant des options thérapeutiques limitées ou inexistantes.

Une chose est sûre : l’absence de voie réglementaire diminuerait l’attractivité des investigations cliniques sur les technologies de santé en Europe. 


Documents de référence

Food and Drug Administration, Center for Biologics Evaluation and Research. Investigational device exemptions (IDEs) for early feasibility medical device clinical studies, including certain first in human (FIH) studies: guidance for industry and Food and Drug Administration staff. 2013.

Blueprint for Early Feasibility Study Success: A report of the Early Feasibility Study working group of the Medical Device Innovation Consortium (MDIC).


www.reseau-tech4health.fr

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