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Les enjeux de l’évaluation des impacts organisationnels pour les DM

Publié le 30 novembre 2021 par Patrick RENARD
La HAS structure la manière d'identifier les impacts organisationnels à l'aide de macro-critères.
Crédit photo : HAS

Lorsqu'il est revendiqué, l'impact organisationnel d'un DM fait partie intégrante de son évaluation. Le groupe AFCROs-DM détaille ici la cartographie établie par la HAS à ce sujet et la manière de documenter cet impact. Dans un second temps, les auteures abordent la prise en compte de l'impact organisationnel dans les critères d'évaluation de la CNEDiMTS et de la CEESP.

De gauche à droite, Isabelle Bongiovanni-Delarozière et Sandrine Bourguignon.

Par Isabelle Bongiovanni-Delarozière et Sandrine Bourguignon du groupe AFCROs-DM

En publiant le 31 décembre 2020 le guide méthodologique « cartographie des impacts organisationnels pour l’évaluation des technologies de santé », la Haute Autorité de Santé (HAS) a souhaité clarifier cette dimension de l’évaluation pour mieux la prendre en compte.

Les impacts organisationnels sont définis par les modifications, souvent multidimensionnelles, des caractéristiques et du fonctionnement des pratiques des professionnels de santé, des établissements hospitaliers ou bien encore de la prise en charge en ambulatoire. Ils recouvrent par conséquent un champ très large du parcours de soins ou de vie des patients, de fait assez flou, dont il est nécessaire de préciser le cadre. Il convient également de spécifier la méthodologie pour les évaluer.

Ce sujet est loin d’être secondaire dans le cadre de l’accès au marché et de la fixation du prix, en particulier pour les dispositifs médicaux, car ils conduisent, plus souvent que les médicaments, à des impacts organisationnels. Ce constat est d’autant plus vrai concernant les innovations technologiques issues du numérique et le déploiement des dispositifs médicaux connectés caractérisés par leurs finalités d’usage multiples, leur rapidité d’évolution et les interactions qu’ils permettent entre patients, aidants, soignants et autres technologies.

L’évaluation de l’impact organisationnel, lorsque celui-ci est revendiqué (et de façon non systématique), fait par conséquent partie de la démonstration de la valeur apportée par une technologie de santé.

Cette cartographie est une première étape dans la prise en considération des impacts organisationnels. Elle doit être utilisée pour identifier les impacts les plus pertinents. Si elle propose des critères et exemples d’indicateurs permettant d’en mesurer les effets ou de les argumenter, elle ne précise pas de méthode pour qualifier et quantifier ces impacts organisationnels.

Quels sont à ce stade les enjeux de l’évaluation de l’impact organisationnel pour les fabricants ?

Comment se structure cette cartographie ?

La cartographie se compose de 3 grandes parties (voir l'illustration principale) :

  • Partie I : « Le contexte de l’évaluation »,
  • Partie II : « Les macro-critères et critères »,
  • Partie III : « Les acteurs concernés ».

Le contexte dans lequel s’inscrit la technologie de santé évaluée (partie I) est précisé quant à l’existence, ou non, d’une prise en charge de référence. Est-ce-que la technologie transforme la prise en charge existante ou crée une prise en charge de référence ? Est-ce qu’elle vise à modifier le mode de prise en charge des patients ou d’une sous-population de patients pour lesquels le besoin est non couvert ?

La partie II est centrale et a pour objectif de structurer la manière dont les impacts organisationnels peuvent être identifiés. Elle repose sur une classification composée de 3 macro-critères :

  • Macro-critère 1 : impacts qui affectent directement les composantes du processus de soins – suite d’activités réalisées dans le parcours de soins et de vie du patient en vue de prévenir, maintenir ou améliorer son état de santé.
  • Macro-critère 2 : impacts qui affectent les compétences et capacités nécessaires des acteurs impliqués pour mettre en œuvre le processus de soins – capacités d’organisation, compétences et partage des compétences, conditions de travail, financements, etc.
  • Macro-critère 3 : impacts sur la société ou la collectivité – niveau d’analyse plus global, focalisé sur les impacts sur la population générale.

La partie III vise à préciser les acteurs concernés par l’impact organisationnel. Est considérée comme acteur, toute personne (physique ou morale) qui représente une partie prenante dans le parcours de soins ou de vie : professionnel de santé, patient, aidant ou accompagnant, institution de santé, industriel de santé ou tout autre acteur impliqué dans la délivrance de soins ou de prestations (transports, services et distributeurs de matériels notamment).

(source HAS)

Comment documenter l’impact organisationnel ?

A ce stade de la prise en compte de l’impact organisationnel, la question est de savoir comment le démontrer ou l’objectiver, en particulier pour les dispositifs médicaux qui ont des effets structurants pour leur environnement.

Dans cet article, un focus est établi sur la partie II et en particulier sur les deux premiers macro-critères ; le macro-critère 3 ayant un spectre très large et nécessitant, pour le quantifier, un recueil de données très différentes en termes de taille de la population cible sur un horizon temporel beaucoup plus long, il ne sera pas traité.

Les impacts organisationnels peuvent être appréhendés au travers des moyens nécessaires à la mise en œuvre du dispositif médical (par exemple impacts sur le contenu du parcours de soins ou sur le temps de certains épisodes du parcours de soins) ou des changements impliqués lors de son déploiement (par exemple : nécessite une formation ou de l’éducation thérapeutique pour le patient, conduit à un changement de compétences d’un professionnel de santé).

Ce constat met en évidence la difficulté qui relève de la capacité à anticiper et à évaluer ces impacts en amont d’une première commercialisation, ainsi qu’en aval de son introduction pour mesurer son impact réel sur les organisations. En effet, les designs d’étude clinique usuels ne permettent pas de mesurer les impacts organisationnels, qui, par définition, relèvent de l’utilisation en vraie vie.

Se pose donc tout d’abord la question des critères qu’il est possible de renseigner lors d’un premier dépôt de dossier d’évaluation d’un dispositif médical à la CNEDiMTS.

La majorité des indicateurs d’impacts sur le processus (macro-critère 1) doivent pouvoir être pris en compte en amont de l’introduction de la technologie sur le marché, par anticipation de ses effets. C’est moins le cas pour les critères relatifs aux impacts de la technologie de santé sur les capacités et compétences des acteurs qui nécessitent d’évaluer l’impact réel sur les organisations en aval (macro-critère 2). Pour le dispositif médical, ce constat est d’autant plus pertinent que les conditions d’application ou d’utilisation sont fréquemment définies à l’issue de l’avis de la CNEDiMTS.

En primo-inscription, il paraît donc faisable de cibler l’évaluation sur les impacts générés sur le processus de soins qui peuvent être documentés à partir des données disponibles issues des essais cliniques ou des études observationnelles ou bien encore d’une argumentation détaillée permettant d’objectiver le critère retenu. On citera pour exemple les impacts :

  • sur les délais de démarrage d’un processus de diagnostic ou de traitement,
  • sur le nombre de recours aux soins ou le temps du parcours de soins,
  • sur l’utilisation des ressources matérielles ou numériques.

Les impacts en relation avec la chronologie ou le contenu du processus et ceux concernant le nombre et la nature des intervenants nécessitent toutefois que les changements de processus soient tout d’abord mis en évidence par une analyse activité/acteurs avant d’être évalués.

Les impacts intra-organisationnels, en relation avec les capacités d’organisation, les compétences et partages de compétences, les conditions de travail, les financements et l’analyse des flux (patients, professionnels, financiers), sont difficilement mesurables en primo-inscription. Ils pourront faire l’objet d’une description de l’impact attendu qui sera confirmé à plus long terme à partir de données en vie réelle.

La méthode de mesure utilisée doit alors être adaptée à la dimension explorée et à la temporalité de l’impact attendu.

Prise en compte dans les critères d'évaluation

La Commission Nationale d’Evaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé au sein de la HAS (CNEDiMTS) a publié en mars 2021 une note de cadrage dans laquelle elle affiche son souhait d’intégrer la prise en compte des impacts organisationnels dans ses critères d’évaluation. Cela se fait en deux étapes principales.

La première étape consiste à analyser des différents types d’impact organisationnel individualisés par la cartographie afin de vérifier leur possible prise en considération dans les critères d’évaluation règlementaires en vigueur et, le cas échéant, de procéder à des évolutions nécessaires à leur prise en considération. Cette première phase doit permettre :

  • de préciser les données à fournir par l’industriel afin de documenter l’impact au moment du dépôt du dossier d’évaluation en primo-inscription et lors du renouvellement ;
  • de définir quelles méthodologies d’études déployer pour démontrer et quantifier ces impacts organisationnels ;
  • d’ajuster les principes de l’évaluation en fonction de la faisabilité de la démonstration de certains critères.

La seconde étape consiste à adapter les principes d’évaluation de la CNEDiMTS à ces dimensions, ce qui nécessite d'expliciter dans la doctrine comment ces impacts peuvent contribuer à la démonstration de la valeur d’un produit et influer sur la détermination du Service Attendu (SA) et de l’Amélioration du Service Attendu (ASA) en primo-inscription et dans le cadre d’un renouvellement.

Les industriels dans l'attente de données de la part de la CEESP

Dans le cas de l’éligibilité d’un dispositif médical susceptible d'apporter une amélioration thérapeutique (l’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) ou ASA I, II ou III) à une évaluation économique par la Commission d'Evaluation Economique et de Santé Publique (CEESP), l’industriel a la possibilité de formuler des revendications en matière d’impacts du produit de santé sur l’organisation des soins, les pratiques professionnelles ou les conditions de prise en charge des malades. La CEESP devra préciser d’une part, les données attendues dans le dossier déposé par l’industriel, et d’autre part, la place de l’évaluation de l’impact organisationnel au regard du modèle d’analyse de l’efficience et d’analyse d’impact budgétaire et dans les avis qu’elle rend. Une articulation avec l’avis de la CNEDiMTS est attendue sur ce dernier point.

Impact organisationnel : quelle incidence sur le prix ?

Ces considérations conduisent naturellement à la question de l’intégration de l’impact organisationnel dans les éléments d’appréciation qui entreront dans la négociation du prix du dispositif. La place qu'occupera l’impact organisationnel par rapport aux autres critères d’évaluation du dispositif, lors de son inscription et surtout lors de son renouvellement, constitue une interrogation particulièrement pertinente. Il est donc fortement attendu que l’accord-cadre entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les entreprises des technologies médicales (SNITEM) actuellement en cours de discussion permette de poser et de clarifier le cadre de négociation.

La prise en considération et la mesure des impacts organisationnels revêtent donc un enjeu particulier pour les dispositifs médicaux qu’il sera nécessaire de suivre en termes d’évolution du cadre d’évaluation et d’anticiper dans les plans de génération de données cliniques.


www.afcros.com

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