Contrôler la dégradation de l’acide hyaluronique pour en optimiser l’usage
A la base de certains DM injectables ou implantables, l’acide hyaluronique se dégrade naturellement dans le corps humain. Cette dégradation doit être finement évaluée pour en maitriser la stabilité, de manière à garantir l'efficacité, la sécurité et la conformité des produits concernés.
Par Sébastien Paillard, Responsable Département Analyses Chimiques d'Applus+ Rescoll
L’acide hyaluronique (AH) est un composant naturellement présent dans l’organisme, notamment au sein des tissus conjonctifs, de l’épiderme, du liquide synovial et du corps vitré. Il joue un rôle essentiel dans l’hydratation, la lubrification et le maintien de la structure tissulaire.
Les propriétés physico-chimiques de l'AH (viscoélasticité, biocompatibilité, affinité pour l’eau) en font un ingrédient de référence dans de nombreux dispositifs médicaux, en particulier en rhumatologie, dermatologie, médecine esthétique, ophtalmologie ou encore chirurgie réparatrice. Mais son efficacité dépend fortement de sa stabilité dans l’environnement biologique. La compréhension et le contrôle de sa dégradation sont donc des enjeux clés pour les fabricants.
Structure et fragilités
L’AH est un polymère linéaire composé de disaccharides répétés, dont la structure le rend sensible aux agressions enzymatiques (hyaluronidases) et oxydatives (stress cellulaire). Sa masse moléculaire, qui peut varier de 100 kDa à plusieurs MDa, influence directement sa résilience. Plus la chaîne est longue, plus elle est résistante, mais aussi plus complexe à formuler et injecter.
Dans l’organisme, l’AH est constamment renouvelé. Sa demi-vie varie selon sa localisation : de quelques heures dans la peau à plusieurs jours dans le cartilage. Ce métabolisme est assuré par les hyaluronidases et aggravé en cas de stress oxydatif, inflammation ou vieillissement tissulaire.
Des solutions pour prolonger la durée d’action
Applus+ Rescoll: expert dans l’analyse de la dégradation
Acteur de référence dans la caractérisation et l’évaluation de la biocompatibilité des biomatériaux, Applus+ Rescoll se distingue notamment par une expertise avancée dans l’évaluation de la dégradation de l’acide hyaluronique, conformément aux normes internationales en vigueur. Son approche intégrée permet de garantir une évaluation rigoureuse de la stabilité des dispositifs à base d’AH, tout au long de leur cycle de vie. Cette approche s'appuie sur une méthodologie personnalisée avec le développement de protocoles adaptés aux besoins et aux formulations testées, en lien étroit avec les fabricants.
Applus+ Rescoll réalise une pré-étude pour définir des paramètres optimisés de vieillissement (pH, milieu, température, durée) ainsi que les techniques analytiques appropriées. Un protocole détaillant les conditions d’essai est alors envoyé au client pour approbation. Cela contribue à minimiser les délais, afin d'accélérer la mise sur le marché du produit. Autre atout du laboratoire : des équipements de haut niveau (UPLC-MS, rhéomètres, FTIR) pour une caractérisation précise et complète.
Pour une efficacité prolongée, notamment dans les dispositifs injectables, l’AH est généralement modifié pour résister aux dégradations biologiques. Deux approches principales sont utilisées :
- La réticulation chimique : l’ajout d’agents réticulants comme le BDDE (1,4-butanediol diglycidyl ether) permet de créer des ponts entre les chaînes d’AH, formant un gel plus dense, moins perméable aux enzymes. Le degré de réticulation détermine la longévité du produit (de quelques jours à plusieurs mois), mais un excès peut affecter la souplesse et la tolérance locale.
- Les formulations protectrices : certains produits intègrent des antioxydants (mannitol, sorbitol, etc.) ou des polymères hybrides pour ralentir la dégradation oxydative. D’autres explorent des matrices composites (alginate, carboxyméthylcellulose) ou des nanoparticules pour optimiser la libération et la stabilité.
Des protocoles nécessairement personnalisés
L’évaluation de la dégradation de l’AH repose sur des outils analytiques variés comme la rhéologie pour mesurer la perte de viscosité après exposition enzymatique ou oxydative, et la chromatographie (GCMS, LCMS) pour analyser la présence de différents composés.
La complexité dans l’analyse de la dégradation de ces matériaux repose sur une variété importante de formulations de l’acide hyaluronique et les nombreuses modifications chimiques pouvant être faites. Tout ceci nécessite des protocoles d’analyse adaptés pour chaque référence et des méthodes analytiques très sensibles.
Les analyses normatives sur les études de dégradation doivent suivre les protocoles des normes ISO 10993-13 (pour les polymères), 10993-14 (pour les céramiques), et 10993-15 (pour les métaux). Comme l’acide hyaluronique ne rentre dans aucune de ces catégories de matériaux stricto sensu si l'on se base sur les descriptions figurant dans ces normes, un protocole personnalisé est nécessaire. Il doit toutefois s'appuyer sur la guideline de l’ISO 10993-13, norme dont le cadre d’application en termes de composition chimique se rapproche le plus de celui de l’AH.