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Dossiers > Réglementation

Réemploi des DM à usage unique : la réglementation se précise

Publié le 23 juin 2025 par Patrick RENARD
La nouvelle réglementation relative à la remise en bon état d‘usage de certains dispositifs médicaux vise à promouvoir l‘économie circulaire dans le secteur de la santé.
Crédit photo : miss irine - stock.adobe.com / KI-generiert

Dans un souci essentiellement environnemental, le Code de la santé publique prévoit la possibilité de réutiliser certains dispositifs médicaux après les avoir remis en bon état d'usage. Un décret vient d'être publié pour préciser les conditions d'application. Le cabinet d'avocats LexCase se penche sur le sujet.

Agathe Clarac (crédit photo : Celia Marjolet)

Diane Bandon-Tourret (crédit photo : LexCase)

Par Me Diane Bandon-Tourret, avocate associée, et Me Agathe Clarac, avocate collaboratrice du cabinet LexCase

Après cinq ans d’attente, le Décret n°2025-247 du 17 mars 2025 relatif à la remise en bon état d’usage de certains dispositifs médicaux, pris en application de l’article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, a été publié au Journal officiel (ci-après « le Décret »). Ce dispositif s'inscrit dans le développement des politiques de responsabilité sociale et environnementale. Il vise à promouvoir l'économie circulaire dans le secteur de la santé et à réduire l'impact environnemental des dispositifs médicaux.

En vertu de l’article L. 5212-1-1 du Code de la santé publique, certains dispositifs médicaux à usage individuel peuvent être remis en bon état d’usage afin d’être réutilisés par un nouveau patient, après avoir appartenu à un autre. La liste des dispositifs concernés sera fixée par arrêté ministériel. Selon le Décret, la remise en bon état d’usage correspond à l’ensemble des opérations d’entretien et de maintenance effectuées dans le but de cette remise en bon état d’usage1. Ces opérations doivent être réalisées conformément à la destination du dispositif couverte par le marquage CE et telle que précisée par le fabricant. Il s’agit ainsi d’un rétablissement des fonctions initiales du dispositif médical. Des conditions supplémentaires pourraient être précisées par arrêté ministériel.

Une démarche très encadrée

À l’issue d’une période transitoire de 18 mois à compter de l’entrée en vigueur du Décret, seuls les centres ou professionnels certifiés par des organismes accrédités pourront exercer cette activité. Les organismes certificateurs, habilités par arrêté ministériel, peuvent délivrer, suspendre ou retirer la certification. Les autorités de santé contrôlent le respect de cette obligation par audits ou vérification des accréditations2. Concernant la délivrance et lorsque cela est possible, le détaillant doit informer le patient de la possibilité de disposer d’un dispositif remis en bon état d’usage, conforme à sa prescription3. La prise en charge peut éventuellement être soumise à une condition de restitution du dispositif par l’assuré social à l’issue de son utilisation. Enfin, un système d’identification et d’enregistrement des dispositifs médicaux remis en état d’usage est créé, dans le but d'assurer la traçabilité de ces produits. Il permettra aux fabricants de dispositifs médicaux et autres opérateurs économiques concernés d’assurer leurs obligations de matériovigilance4.

La responsabilité civile redéfinie

Implanté à Paris, Marseille et Lyon, le cabinet d'avocats LexCase assiste ses clients dans le cadre de l'application de la réglementation propre au secteur des produits de santé, notamment en matière de recherche, d'accès au marché, de distribution, de communication et de suivi post-commercialisation.

Demeure l’épineuse question du partage de la responsabilité civile liée au dispositif médical remis en bon état d’usage, entre le fabricant et les opérateurs certifiés. Selon le Décret, la remise en bon état d'usage d'un dispositif médical à usage individuel ne doit conduire à modifier ni les performances ni les caractéristiques techniques et fonctionnelles de l’équipement.
En cela, elle se distingue de la remise à neuf, définie à l'article 2 du règlement (UE) 2017/745 du 5 avril 2017 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux5. Ce règlement ferait en effet peser sur l’opérateur certifié la qualité et les responsabilités associées de fabricant au sens dudit règlement, notamment l'obligation de disposer d'une couverture financière suffisante au regard de son éventuelle responsabilité du fait de produits défectueux en application de la directive 85/374/CEE. Élément notable, il appartient aux centres et professionnels certifiés de fixer une durée de nouvel usage du dispositif médical qu'ils remettent en bon état d'usage. La durée de nouvel usage ne peut cependant être supérieure à celle de la durée de vie prévue par le fabricant6. La rédaction du Décret laisse toutefois un doute quant à savoir si la durée de nouvel usage débute à l'issue de la remise en bon état d'usage - ce qui aurait pour effet d'augmenter considérablement la durée de vie initialement déterminée par le fabricant - ou si la durée de vie totale du dispositif remis en état ne peut dépasser la durée de vie initiale.

La nouvelle Directive du 23 octobre 2024 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, qui devrait s’appliquer notamment au secteur du dispositif médical prochainement, aborde la question des potentiels transferts de responsabilité dans le cadre de l’économie circulaire en tenant compte de la juste répartition des risques. Toute personne physique ou morale qui modifie de manière substantielle un produit en dehors du contrôle du fabricant et le met ensuite sur le marché ou en service est considérée comme un fabricant7. Ledit opérateur économique peut s’exonérer s'il est en mesure de prouver que le dommage est lié à une partie du produit non affectée par la modification8. En outre, les opérateurs économiques effectuant des réparations ou d’autres opérations n’impliquant pas de modifications substantielles ne devraient pas être tenus pour responsables9. Reste à savoir comment sera appréhendé in concerto par les juridictions le concept de « modification substantielle » afin de mieux cerner les contours de la responsabilité civile des fabricants et des opérateurs certifiés.

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1 Article R. 5212-44 du Code de la santé publique.
2 Article R. 5212-50 du Code de la santé publique.
3 Article R. 165-104 du Code de la sécurité sociale.
4 Articles R. 162-106 à R. 165-116 du Code de la sécurité sociale.
5 La « remise à neuf » est entendue comme « la restauration complète d’un dispositif déjà mis sur le marché ou mis en service, ou la fabrication d’un nouveau dispositif à partir de dispositifs usagés, de manière à le rendre conforme au présent règlement, ainsi que l’attribution d’une nouvelle durée de vie au dispositif remis à neuf » (consid. 31).
6 Art. R. 5212-46 du Code de la santé publique.
7 Article 8.
8 Article 11.
9 Considérant 39.


lexcase.com

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