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Matériaux > Plastiques et silicones

Vers un pansement libérant un agent antimicrobien si besoin

Publié le 01 février 2022 par Patrick RENARD
Fei Pan est l'un des chercheurs de l'Empa, travaillant sur des fibres polymères qui se ramollissent dès que l'environnement se réchauffe.
Crédit photo : Empa

Les chercheurs du Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche Empa, en Suisse, travaillent sur des membranes composées de nanofibres en polymères réactives à la chaleur. L'objectif est de concevoir des pansements qui libèrent des médicaments dès qu'une infection se déclare dans une plaie.

Il est impossible de dire de l'extérieur si une plaie va guérir sans problème sous le pansement ou si des bactéries vont pénétrer dans les tissus lésés et provoquer une inflammation. Par sécurité, des pommades désinfectantes ou des antibiotiques sont appliqués sur la plaie avant la pose d'un pansement. Toutefois, ces mesures préventives ne sont pas nécessaires dans tous les cas. Ainsi, les médicaments sont gaspillés et les plaies sont "sur-traitées". Pire encore, le gaspillage d'antibiotiques favorise l'émergence de germes multirésistants.

Pour résoudre ce problème, les chercheurs des deux laboratoires de l'Empa, "Biointerfaces" et "Membranes et textiles biomimétiques", ont pour mission de mettre au point un pansement qui administre de manière autonome des médicaments antibactériens uniquement lorsqu'ils sont vraiment nécessaires.

L'idée de l'équipe interdisciplinaire dirigée par Qun Ren et Fei Pan : le pansement doit être "chargé" de médicaments et réagir également aux stimuli environnementaux. « De cette manière, les plaies pourraient être traitées avec précision et au bon moment », explique Fei Pan. Comme stimulus environnemental, l'équipe a choisi un effet bien connu : l'augmentation de la température dans une plaie infectée et enflammée.

Un mélange de polymères sous forme de fine membrane

L'équipe devait concevoir un matériau qui réagirait de manière appropriée à cette augmentation de température. Un composite polymère compatible avec la peau a été développé à partir de verre acrylique (polyméthacrylate de méthyle, PMMA), utilisé notamment pour les verres de lunettes et dans l'industrie textile, et d'Eudragit, un mélange de polymères biocompatibles. Grâce à l'électrofilage, le mélange plastique a pu être transformé en une fine membrane de nanofibres. De l'octénidine peut être encapsulée dans ces nanofibres. C'est un désinfectant qui agit rapidement contre les bactéries, les champignons et certains virus. En médecine, il peut être utilisé sur la peau, sur les muqueuses et pour la désinfection des plaies.

Déjà dans l'Antiquité, le médecin grec Galien décrivait les signes d'une inflammation. Les cinq termes latins sont encore valables aujourd'hui : dolor (douleur), calor (chaleur), rubor (rougeur), tumor (gonflement) et functio laesa (fonction restreinte) représentent les indications classiques de l'inflammation. Dans une plaie cutanée infectée, le réchauffement local peut atteindre cinq degrés. Cette différence de température peut être utilisée comme un déclencheur : les matériaux appropriés changent de consistance dans cette plage et peuvent libérer des substances thérapeutiques.

« Pour que la membrane libère effectivement le désinfectant lorsque la plaie se réchauffe en raison d'une infection, nous avons composé le mélange de polymères de PMMA et d'Eudragit de manière à pouvoir ajuster la température de transition vitreuse de façon appropriée », explique Fei Pan.« C'est la température à laquelle un plastique passe d'une consistance solide à un état caoutchouteux ». L'effet est souvent décrit en sens inverse : si on met un gant en caoutchouc dans de l'azote liquide à moins 196°C, il change de consistance et devient si dur qu'on peut le briser comme du verre.

Logiquement, la température de transition vitreuse souhaitée de la membrane polymère était de l'ordre de 37°C. Lorsqu'une inflammation est présente et que la peau se réchauffe au-delà de sa température normale de 32 à 34°C, le polymère passe de l'état solide à l'état mou. Lors d'expériences en laboratoire, l'équipe a pu observer comment le désinfectant est libéré du polymère à 37°C, mais pas à 32°C. Un autre avantage est que le processus est réversible et peut être répété jusqu'à cinq fois, car il s'arrête toujours lorsque la température diminue. Après ces tests réussis, les chercheurs de l'Empa veulent maintenant affiner l'effet. Leur but est que le pansement intelligent s'active et se désactive au gré de différences de température plus faibles que quatre ou cinq degrés.

Accroître l'efficacité et la précision du dosage médicamenteux

Afin d'étudier l'efficacité des membranes en nanofibres contre les germes des plaies, d'autres expériences en laboratoire sont maintenant à l'ordre du jour. La cheffe d'équipe Qun Ren s'intéresse depuis longtemps aux germes qui se nichent dans les couches limites entre les surfaces et l'environnement, par exemple sur une plaie cutanée. "Dans ce cadre biologique, une sorte de no man's land entre le corps et le matériau du pansement, les bactéries trouvent une niche biologique parfaite", explique la chercheuse de l'Empa. Les agents infectieux tels que les staphylocoques ou les bactéries Pseudomonas peuvent y provoquer de graves troubles de la cicatrisation. Ce sont précisément ces germes de plaies que l'équipe a soumis au pansement intelligent dans une boîte de Pétri. Résultat, le nombre de bactéries a été réduit d'un facteur 1000 lorsque l'octénidine a été libérée du pansement intelligent.

« Avec l'octénidine, nous avons réussi à obtenir une preuve de principe de la libération contrôlée d'un médicament par un stimulus externe », déclare Qun Ren. « À l'avenir, cette technologie pourrait également être utilisée pour d'autres types de médicaments, ce qui permettrait d'accroître l'efficacité et la précision de leur dosage ».

Objectif commun : le pansement intelligent

Les chercheurs de l'Empa travaillent en équipes interdisciplinaires sur différentes approches pour améliorer le traitement médical des plaies. Par exemple, des capteurs de liquide doivent permettre de voir si une plaie cicatrise mal en induisant un changement de couleur à l'extérieur du pansement. Les valeurs critiques de glucose et de pH servent ici de biomarqueurs.

Pour permettre de combattre les infections bactériennes directement dans la plaie, les chercheurs travaillent également sur une mousse de polymère chargée de substances anti-inflammatoires et sur une membrane respectueuse de la peau fabriquée à partir d'un matériau végétal. La membrane de cellulose est équipée de blocs de protéines antimicrobiennes et tue les bactéries de manière extrêmement efficace dans les tests de laboratoire.

En outre, la numérisation permet d'obtenir des dosages plus économiques et plus efficaces dans le traitement des plaies : les chercheurs de l'Empa développent des jumeaux numériques de la peau qui permettent de contrôler et de prédire le déroulement de la thérapie grâce à une modélisation en temps réel.


www.empa.ch

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