Vous devez être connecté pour accèder à cette archive.

Se connecter
X
Côté recherche
Composants > Electronique/optique

Une interface cerveau-moelle épinière pour piloter les muscles par la pensée

Publié le 24 octobre 2023 par Patrick RENARD
Crédit photo : EPFL-Jimmy-Ravier

Pour la première fois, une personne paraplégique a pu marcher en pilotant ses jambes par la pensée. Cet exploit a été rendu possible grâce à l'association de deux implants développés par le CEA et l’EPFL qui restaurent la communication entre le cerveau et la région de la moelle épinière commandant le mouvement des jambes.  

Il y a dix ans, Gert-Jan, un Hollandais de 40 ans, devenait paraplégique à la suite d’un accident de vélo. Aujourd’hui, il a retrouvé le contrôle naturel de ses jambes et peut marcher en actionnant leur mouvement uniquement par la pensée ! Cette réussite est le fruit du travail commun des équipes du CEA (au sein du centre de recherche biomédicale Clinatec, à Grenoble, associant le CEA/Fonds de dotation Clinatec/CHUGA/UGA) et de celles de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), du CHU Vaudois et de l'Université de Lausanne (UNIL), en Suisse.

Deux implants formant un pont digital sans fil

Ensemble, elles ont conçu un "pont digital" qui restaure la communication entre le cerveau et la région de la moelle épinière commandant le mouvement des jambes. Celui-ci est constitué de deux dispositifs médicaux implantables.

Implant Wimagine (crédit photo : Clinatec).

Le premier, appelé Wimagine, est développé par l’institut Leti du CEA depuis une dizaine d’années. Positionné à la surface de la zone cérébrale dédiée à l’activité motrice, il capte et numérise les signaux électriques engendrés par l’intention de mouvement du patient. Ces signaux proviennent de 64 électrodes en contact avec la dure-mère, une membrane fibreuse entourant le cerveau.

Le dispositif est constitué de circuits intégrés de mesure et de numérisation des signaux neuronaux avec de très bonnes performances en niveau de bruit ; d’une électronique et d’antennes de transmission sans fil en temps-réel et de télé-alimentation ; le tout inséré dans un packaging médical hermétique et biocompatible.

L’ensemble permet un enregistrement stable de l’activité cérébrale sur plusieurs années.

Interface cerveau-machine implantable unique au monde, la neuroprothèse Wimagine repose sur environ 25 brevets. Elle avait déjà fait l'objet d'une première mondiale en 2019, en permettant à un patient tétraplégique de se déplacer en pilotant un exosquelette 4 membres uniquement par la pensée.

Grâce au développement d’algorithmes sophistiqués basés sur des méthodes d’intelligence artificielle (machine learning), les enregistrements électriques cérébraux sont décodés en intentions de mouvement des jambes, puis converties en séquences de stimulation électrique destinées à la moelle épinière, le tout en temps réel.

Le second implant, mis au point par l’EPFL, prend alors le relais. C’est un neurostimulateur connecté, via une matrice d’électrodes, à la zone de la moelle épinière qui contrôle les jambes. Celui-ci reçoit via une transmission sans fil les séquences de stimulation qu’il transmet à la moelle, laquelle active à son tour les muscles des jambes.

Une marche aussi naturelle que possible

A peine quelques semaines après l’opération, Gert-Jan avait retrouvé le contrôle naturel de ses jambes. Et huit mois plus tard, il était de retour à son domicile. Afin qu’il puisse être totalement autonome, les équipes ont intégré les éléments périphériques du système (batteries, ordinateur, etc.) sur un déambulateur.

Aujourd’hui, le patient peut se lever, se tenir debout, marcher, monter un escalier, tout en contrôlant l’amplitude et le rythme de ses pas uniquement en y pensant. Mieux, après six mois d’entraînement, les chercheurs ont noté qu’il a progressivement récupéré des fonctions neurologiques liées à la marche et à l’équilibre ! Ces résultats suggèrent que la synchronisation de l’activité cérébrale et du mouvement, rendue possible par le pont digital, a sans doute favorisé la formation de nouvelles connexions nerveuses.

Les équipes continuent les développements en vue d’un transfert de technologie auprès d’un industriel, et explorent d’autres applications, comme la restauration des mouvements des bras et des mains. Le développement d’une nouvelle génération d’interface cerveau-moelle épinière miniaturisée et basse consommation a également été initié, en particulier grâce aux technologies d’électronique intégrée du CEA. Ceci afin d’améliorer la portabilité et l’autonomie du dispositif, pour un usage simplifié et performant dans la vie quotidienne.


www.leti-cea.fr

Partagez cet article sur les réseaux sociaux ou par email :
Mots-clés :

A lire aussi