Organiser la validation de procédés critiques par une approche globale
Le nettoyage, la stérilisation et le conditionnement en salle propre des dispositifs médicaux font partie des procédés critiques que les réglementations exigent de sécuriser. Le groupe Icare nous expose ici les différentes solutions pour organiser au mieux la validation de ces procédés.
Par Philippe Bourbon, Directeur validation et qualification, Pr. Edith Filaire, Directrice Scientifique, et Christian Poinsot, Président du groupe Icare
Au-delà d'exiger la sécurisation des procédés critiques de la chaîne de production d'un dispositif médical, les réglementations imposent aux fabricants d'en apporter la preuve au travers de démarches appelées "Validations".
Dès lors qu’il est question de nettoyage, stérilisation et emballage, évaluer la criticité du procédé est un prérequis pour ensuite analyser les risques, et entrer dans la démarche. Il est d’usage de prendre en considération les nombreux textes normatifs (NF EN ISO 19227, NF EN ISO 11607, NF EN ISO 17665, NF EN ISO 14644…), points de repère pour construire les stratégies de validation des procédés et pour qualifier les équipements concernés.
Sur quoi s'appuient ces validations ?
Les validations de ces procédés nécessitent a minima :
- la définition d’une stratégie par des experts ou consultants idéalement indépendants (pour éviter d’inclure des enjeux financiers), spécialisés dans le domaine considéré. Ces personnes doivent être à même de mener les analyses de risque, d’identifier les scénarios et situations "worst case", de rédiger les plans de validation et protocoles de qualification, et de compiler les données permettant de conclure sur l’efficacité des procédés ;
- la mise en œuvre de tests sur les équipements en cours de qualification, tels que définis dans les protocoles, par des personnels techniques dûment formés et habilités (sous assurance qualité, classiquement par une formation théorique, une formation pratique par un compagnonnage, une évaluation et une habilitation) ;
- la gestion des échantillons issus du procédé lors des essais (Qualification Opérationnelle - QO - et Qualification de Performance - QP -) ;
- la fourniture de réactifs (boîtes de pétri, indicateurs biologiques, souillures…) ;
- la mise en œuvre d’essais de laboratoire (microbiologiques, physiques, physico-chimiques notamment) si possible sous accréditation Cofrac ou équivalent. Certains tests normalisés et critiques peuvent être ainsi challengés par des experts techniques indépendants. Cela permet de garantir la fiabilité des tests réalisés et des résultats communiqués dans les rapports ;
- une gestion globale de projet avec une coordination de toutes les parties prenantes intéressées incluant le respect des règles Qualité, HSE (Hygiène, Sécurité, Environnement) et des règles de gestion de la documentation.
Ces démarches peuvent engendrer une multiplication des interlocuteurs et entreprises impliqués dans un projet, complexifiant ainsi sa gestion et rendant difficile le respect des plannings initiaux.
Où placer le curseur de l'externalisation ?
Dès lors, plusieurs organisations sont possibles pour mener à bien ce type de projet :
- S’appuyer exclusivement sur les services internes du fabricant. Cette approche est souvent pratiquée sur les sites industriels de grande taille. La volumétrie des projets y est telle qu’il est possible de créer toutes les entités nécessaires pour prendre en charge l’ensemble de la démarche et les essais, quitte à utiliser temporairement des ressources externes pour renforcer ponctuellement les équipes présentes sur site. Il est à noter que la neutralité, l’impartialité et l’indépendance peuvent se voir challengées lors des audits ou inspections car la société devient alors pleinement "juge et partie".
- Procéder tel que décrit ci-dessus, tout en sous-traitant à des experts, les parties les plus sensibles. Cela permet de conserver une certaine maîtrise de la démarche, tout en bénéficiant des compétences d’experts pour les analyses les plus spécifiques.
- Utiliser les compétences de sociétés externes, spécialisées dans le domaine de la validation et prenant en charge la démarche globale. Ces sociétés assurent alors le lien entre les différentes parties prenantes (les services du fabricant, les laboratoires d’essais pour les tests nécessitant des instruments de mesure, et la société de validation elle-même), ainsi tributaires de l’organisation disponible sur le site industriel.
- Externaliser l’intégralité du projet aux rares laboratoires disposant à la fois d’accréditations dans les domaines de tests concernés, de consultants expérimentés, d’experts et/ou de scientifiques, ainsi que d’une structure Affaires réglementaires. Notons que les experts sont d’autant plus crédibles lorsque qu’ils sont présents dans les comités de normalisation pour interpréter correctement les normes et participer aux évolutions des pratiques normalisées. Les prestations sont alors réalisées par des laboratoires d’essais dont les règles de fonctionnement sont fondées sur les normes des laboratoires (ISO 17020 ou ISO 17025) mettant en avant leur impartialité, leur éthique et s’engageant de fait sur la confidentialité des informations délivrées aux parties prenantes. La crédibilité de cette solution a également le mérite de limiter les interlocuteurs et d’optimiser les flux d’informations, sous réserve que l’industriel fabricant s’approprie suffisamment le sujet pour pouvoir défendre les dossiers de validation lors des inspections et audits.
A ce jour, toutes ces solutions sont pratiquées avec leurs avantages et inconvénients. Les évolutions réglementaires se traduisent par le besoin d'expertises et expériences significatives pour mener à bien ce type de projet et les analyses de risques systématiquement demandées lors des audits/inspections. Cela nécessite de disposer d’une équipe pluridisciplinaire de personnels expérimentés, connaissant bien les normes et réglementations spécifiques, et agissant en toute impartialité. Il appartient à chaque exploitant de faire le bon choix, en connaissance de cause.