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Revêtements antibactériens pour les implants : le pouvoir de l’argent

Publié le 09 janvier 2018 par Patrick RENARD
Image de microscopie électronique à balayage d’une surface métallique contenant le revêtement à base d’argent antimicrobien.
Crédit photo : Université de Fribourg

L'argent est de nouveau au centre des recherches pour combattre et prévenir les infections associées aux implants. C'est le cas de celles que mène le département de Chimie de l'Université de Fribourg en Suisse, à l'échelle nanométrique notamment.

Titulaire d'un DEA en biochimie et d'un Doctorat en chimie, Priscilla Brunetto travaille comme Maître-Assistante à l'Université de Fribourg dans le groupe du Pr. Dr. Katharina M. Fromm.

Par Priscilla S. Brunetto, Research and Development Project Leader à l'Université de Fribourg

Le vieillissement de la population dans nos sociétés occidentales ainsi que les nombreuses maladies liées à l'âge justifient des besoins croissants en prothèses orthopédiques, implants dentaires, stimulateurs cardiaques, etc. Selon le type d’implant, les taux d’infection varient entre 5% (genou, hanche) et 40% (cardiovasculaire) avec, comme conséquence, le remplacement de l’implant, voire la mort du patient[1].

Dès son insertion dans son environnement biologique, l’implant a pour première conséquence la destruction des tissus qui se solde par la rupture de la barrière physique naturelle protectrice qui permet donc aux bactéries de proliférer. Les agents étiologiques les plus fréquemment rencontrés sont le Staphylococcus epidermidis et le Staphylococcus aureus. Les staphylocoques sont responsables de nombreuses infections nosocomiales et sont les espèces prédominantes pour la formation de biofilm sur les implants représentant 50 à 70% des infections[2].

Des limites à l'antibiothérapie

Les implants infectés ne peuvent être traités par simple antibiothérapie en raison du mode de croissance particulier des bactéries. En effet, les microorganismes sont capables de se fixer solidement à des surfaces artificielles puis de se diviser et de les coloniser pour produire un biofilm formant un véritable bouclier résistant à l’hôte et aux antibiotiques[3]. Dans la majorité des cas, la seule solution thérapeutique est le retrait de l’implant infecté suivi de son remplacement[4,5].

Une façon de prévenir, ou au moins de diminuer l'adhésion bactérienne aux implants est de rendre leur surface bactéricide. Dans cette optique de recherche et pour pallier les problèmes des infections liées aux implants, notre groupe de recherche développe de nouvelles stratégies de revêtement efficaces tels que les revêtements antimicrobiens à base d’argent pouvant libérer continuellement des ions argent (antimicrobien actif) dans notre organisme.

Département de Chimie de l'Université de Fribourg

Seule université bilingue de Suisse, offrant un cursus complet en français et en allemand, l'Université de Fribourg intègre dix groupes de recherche qui axe leurs efforts sur le domaine des nanomatériaux et matières légères.

Les recherches menées incluent la chimie au niveau moléculaire, telle que la synthèse totale de petites molécules organiques et de hauts polymères fonctionnels. Les études à l’échelle du nano sont un compromis entre les organisations supramoléculaires de composés organiques et inorganiques, la fonctionnalisation de nanoparticules et tous les aspects de l’ingénierie cristallographique. De plus, les interactions de la lumière et des électrons avec la matière, tout comme la combinaison de la synthèse et de la modélisation, restent de forts champs d’expertises à l’Université de Fribourg.

L'argent ne fait pas le bonheur des bactéries

En effet, pour faire face à une importante résistance bactérienne contre les antibiotiques, l’argent et ses composés, historiquement bien connus pour leur effet antimicrobien, sont de nouveau au centre des nouvelles recherches et de développements[6, 7].

Le plus grand avantage de l'argent réside dans son mode d'action multidirectionnel contre les microbes. En effet, les ions d’argent (Ag+) interfèrent en tant qu’agent antimicrobien en interagissant avec la membrane cellulaire bactérienne, en altérant le transport d'électrons et en se liant à l'ADN[7]. Contrairement aux antibiotiques à cible unique, le développement de la résistance est donc plus difficile et nécessite plusieurs mutations séquentielles dans la cellule bactérienne. Des études ont montré que les ions d’argent (Ag+) à faibles concentrations sont toxiques contre les bactéries et les micro-organismes alors qu’ils ne le sont pour nos cellules qu'à de fortes concentrations[8].

Des stratégies pour le court terme

Certains revêtements développés sont utilisés à court terme pendant la phase de cicatrisation comme les polymères de coordination d’argent[9-13] et des matériaux mixte argent/antibiotique[14].

Les polymères de coordination d'argent contiennent des cations d’argent et sont de très bons candidats pour modifier les surfaces en raison d'une haute stabilité structurale, d'une faible décomposition à la lumière, et d'une faible solubilité dans les milieux aqueux.

Les matériaux mixtes argent/antibiotiques sont aussi très efficaces car il a été constaté que les nanoparticules d'argent et de cuivre sont actives contre les bactéries et les champignons[15,16]. De plus, les ions métalliques sont connus pour accélérer et améliorer les actions de médicaments et leur efficacité contre les pathogènes résistants[17,18]. Cependant, avec ce type de composés, le relargage des ions argent est permanent en absence ou en présence de bactéries.

Encapsuler pour contrôler la libération d'argent

Une autre stratégie qui permet de mieux contrôler la libération de l’argent est l’intégration des nanoparticules d’argent (AgNPs) dans un revêtement biocompatible tel que des nanocapsules, ou directement dans les biomatériaux[19], comme dans le ciment osseux par exemple[20]. L'encapsulation des AgNPs peut être avantageuse afin de prolonger la libération de l’argent tout en augmentant la stabilité et la biocompatibilité des médicaments argentiques. En effet, ces capsules inorganiques à base d’oxyde de cérium, de silicate et d’oxyde de titane sont robustes, inertes pour le corps humain et poreuses, permettant la libération contrôlée de l’agent actif[21-25]. Une libération des ions argent peut être déclenchée localement par changement de pH.

L'encapsulation est également d'un grand intérêt pour de nombreuses applications médicales, ainsi que pour l'administration ciblée de médicaments[26]. Par exemple, il a été démontré que les médicaments encapsulés sont thermiquement plus résistants[27] et efficaces à plus long terme.

C’est également le cas d’un troisième produit développé constitué d’un principe actif , tel qu’une drogue argentique ou un antibiotique, encapsulé et couplé à un détecteur bactérien[28]. Ce dispositif est utilisé pour libérer le principe actif uniquement sur demande par exemple lors d’infections au site d’implantation. Il réduit considérablement l’exposition du patient à la drogue et évite également le développement de résistance bactérienne.

Le nombre de patients ayant recours à une chirurgie d’implantation ne cesse d’augmenter ces dernières années. Les infections dues à la formation de biofilm restent élevées engendrant une résistance bactérienne. C’est pour cette raison que nous développons un matériel implanté biocompatible répondant à la résistance bactérienne et à l’intégration tissulaire.

[1] R. O. Darouiche. New Engl J Med 2004, 350:1422-1429.
[2] A. J. Tande and R. Patel. Clin Microbiol Rev 2014, 27:302-345.
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[4] J. Nowakowska, H. J. Griesser, M. Textor, R. Landmann, and N. Khanna. Antimicrob Agents Chemother 2013, 57:333-342.
[5] W. Zimmerli, A. Trampuz, and P. E. Ochsner. New Engl J Med 2004, 351:1645-1654.
[6] S. Chernousova, M. Epple. Angew Chem Int Ed 2013, 52:1636-1653.
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[10] O. Gordon, T. Vig Slenters, P. S. Brunetto, A. E. Villaruz, D. E. Sturdevant, M. Otto, R. Landmann, K. M. Fromm. Antimicrob Agents Chemother 2010, 54:4208-4218.
[11] P. S. Brunetto, T. Vig Slenters, K. M. Fromm. Materials 2011, 4:355-367.
[12] K. M. Fromm. Applied Organometallic Chem 2013, 27:683-687.
[13] R. Kuehl, P. S. Brunetto, A.-K. Woischnig, M. Varisco, Z. Rajacic, J. Vosbeck, L. Terracciano, K. M. Fromm, N. Khanna. Antimicrob Agents Chemother 2016, 60:2467-2475.
[14] M. Varisco, N. Khanna, P. S. Brunetto, K. M. Fromm. ChemMedChem 2014, 9:1221-1230.
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[28] K. M. Fromm, C. G. Bochet. 2010, N°EP 10 188 556.4


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