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MedAccred : un train à prendre en marche pour les Européens

Publié le 30 avril 2018 par Patrick RENARD
Bodycote Nogent a été, l'an dernier, le premier site français certifié MedAccred.
Crédit photo : NOGENT

Nécessaires au contrôle des process des sous-traitants, les audits doivent être abordés comme un véritable outil de progrès. Il n'empêche que leur multiplication nécessite une démarche de rationalisation. C'est tout l'objet du programme MedAccred.

Par Christophe Durand (consultant chez Oxiane), Rodolphe Devevey (directeur des achats chez Moria) et Denys Durand-Viel (directeur du réseau DM Experts).

Le secteur du Dispositif Medical (DM) est en forte croissance et la pression des exigences réglementaires continue d’augmenter. Les entreprises du secteur ont besoin de se structurer davantage pour s’adapter à ces contraintes, et la gestion des fournisseurs - plus généralement celle des partenaires externes - est la clé dans cette course à l’efficacité globale.

L’utilisation des audits

Depuis bien longtemps, les "donneurs d'ordre" travaillent à améliorer la maîtrise de leurs fournisseurs. Au-delà des simples négociations commerciales, plusieurs secteurs aux fortes exigences, comme l’aéronautique, l’automobile ou le médical, ont eu besoin de mettre sous contrôle les process de leurs sous-traitants afin de sécuriser la pérennité de leurs activités industrielles et commerciales, mais aussi de protéger leur image. Ces 20 dernières années, chaque secteur a développé ses propres référentiels, essentiellement basés sur l’ISO 9001, mais en y ajoutant des spécificités liées à leur marché. La pratique de l’audit s’est alors fortement développée et a même donné naissance à un véritable "nouveau métier". Celui d’auditeur.

Cet outil a cependant trop souvent été considéré comme un simple moyen de vérification de la conformité à un référentiel, et donc comme une fin en soi pour les donneurs d’ordre, et comme une contrainte pour les fournisseurs qui redoutaient l’examen de passage. La fonction est donc encore traditionnellement rattachée le plus souvent au département Qualité ou Affaires Réglementaires pour les DM.

Bien au contraire, nous pensons que les audits doivent être abordés comme un véritable outil de progrès, pour le bénéfice mutuel des parties. Les Achats ont tout à gagner à participer aux cycles d’audit de leurs fournisseurs, et à alimenter ainsi un plan de Développement Fournisseur. Nous souhaitons dans cette optique souligner quelques clés pour tirer tous les bénéfices d’un audit réussi.

Les 5 clés d’un audit gagnant-gagnant

1- la motivation : le client doit inciter le fournisseur à donner le meilleur de lui-même, en toute transparence. De plus en plus, les savoir-faire sont mieux maîtrisés par les fournisseurs que par leurs donneurs d'ordre, il faut donc savoir donner en premier, pour mieux recevoir ensuite.

Un fournisseur convaincu qu’il tient une opportunité de progresser est la meilleure garantie d’un audit réussi, même s’il faudra parfois plusieurs années pour atteindre tous les objectifs.

2- la préparation : il est primordial de bien choisir l’auditeur, qui doit non seulement être compétent sur les exigences spécifiques du marché et les principaux procédés impliqués, mais aussi savoir toujours rester bienveillant. Bien évidemment, il est nécessaire de partager le programme détaillé de l’audit largement en avance, pour permettre une bonne préparation par le fournisseur. Enfin, il ne faut pas hésiter à être original sur les points que l’on vérifie : des écarts peuvent apparaître même sur les éléments qui semblent les plus évidents.

3- la priorisation : Les exigences de "conformité à la commande" émises par les clients ne seront plus tenables. Les clients devront se concentrer sur l'essentiel : tout exiger n'est plus réaliste. Ils devront inciter les fournisseurs à progresser de manière autonome et à développer eux-mêmes la maîtrise de leurs procédés de manière globale, et non plus produit par produit.

L'analyse des risques et le travail en commun client-fournisseur pour les maîtriser est une voie réelle de progrès, si ces analyses sont conduites avec pragmatisme : choisir ensemble ses priorités et s’y tenir.

4- L’éthique : les échanges de conseils et de savoir-faire ne peuvent se faire que dans un contexte de confiance mutuelle. Il est donc primordial de respecter scrupuleusement la confidentialité avec chaque partenaire, mais aussi de veiller à un certain équilibre dans les exigences. Même si l’organisation n’a pas de Charte Ethique, il s’agit simplement de faire preuve de respect et d’honnêteté entre partenaires.

5- La planification et le suivi : un audit ne sert à rien s’il ne débouche pas sur un plan d’action validé par les deux parties, avec des pilotes désignés pour chaque action et un objectif de planning. Celui-ci devra être régulièrement suivi par les partenaires afin de mesurer les progrès, replanifier ou ajuster les actions, et célébrer les succès.

Là encore, le rythme de progression est à adapter à la capacité de chaque fournisseur, que l’audit doit également permettre d’évaluer. Si la motivation du partenaire est réelle, les objectifs seront atteints …

La démarche MedAccred pour les acteurs du DM

Face au foisonnement des audits et à la croissance exponentielle du temps à y consacrer, donneurs d'ordre et fournisseurs de l'industrie aéronautique ont lancé le programme NADCAP dans les années 2000 aux USA, afin de mieux standardiser la démarche et de mutualiser les résultats principaux des audits. Celui-ci est désormais une référence mondiale incontournable.

A l’instar d’autres secteurs industriels plus matures, et dans le même esprit de rationalisation et de coordination des efforts, la procédure MedAccred a été lancée par l’association commerciale américaine à but non lucratif PRI (Performance Review Institute) en 2012, en cherchant à se focaliser sur la maîtrise des procédés critiques (et non plus sur la sécurité ou la conformité), via deux démarches complémentaires :

1- Définir des standards de procédés valables pour "tous donneurs d'ordre et fournisseurs", pour faciliter leur mise en œuvre par les fournisseurs et leur "monitoring" (audits, support) par les donneurs d'ordre.

2- Certifier les fournisseurs selon ces standards de façon mutualisée pour diminuer la charge associée aux audits.

MedAccred a d’ores et déjà identifié une vingtaine de procédés principaux (soudage, stérilisation, traitement thermique, …), défini des standards (environ 5 sont avancés à ce jour), puis des programmes de certification (plus d'informations sur cette page). Après un démarrage surtout américain, le programme commence à s'implanter en Europe, avec le premier fournisseur européen accrédité en avril 2016 (Bodycote), et une représentation de plus en plus importante sur les salons.

MedAccred : vers une réduction des audits fournisseurs ? Il est intéressant de voir que MedAccred met clairement l'accent sur la Maîtrise Statistique des Procédés (MSP), en complément utile de la maîtrise des risques, plutôt en contrepied de l’ISO 13485 qui se focalise sur la seconde approche, au détriment des techniques statistiques.

Les industriels du vieux continent ont tout intérêt à s'investir rapidement dans cette démarche MedAccred, pour avoir "droit à la parole" et défendre les intérêts, les pratiques et les savoir-faire européens. Le process sera certes long, mais "manquer le train" les exposerait à différents risques industriels et commerciaux.

Tout d’abord, les standards et les modes d'audit risquent d’être proches des pratiques américaines (FDA), donc proches des produits et moins d'un "système" (au sens ISO 90001) dont nous avons l'habitude. Le coût de s'y conformer pour les industriels européens sera comparativement plus élevé que pour leurs concurrents qui se conforment aux normes US. Nos industriels ont donc intérêt à s'impliquer dans l'élaboration des futures normes pour éviter un biais concurrentiel. A titre d'exemple, en aéronautique, où les procédés étaient déjà très maîtrisés, une certification NADCAP nécessite en général 3 ans et coûte environ 25k€ par procédé.

En l'absence d'une telle démarche de la part des industriels européens, le marché, en terme de revenus d'audit notamment, serait durablement dominé par les Etats-Unis.

Enfin, il existe un risque évident de fuite des expertises et savoir-faire si trop peu d'auditeurs sont européens, ce qui diminuerait l’autonomie de l’Europe sur ce plan, tout en dégradant encore sa compétitivité.

Une voie incontournable pour progresser ?

L'ISO 9001 comme l'ISO 13485 exigent de maîtriser les fournisseurs. MedAccred vise justement à mieux maîtriser cette exigence à moindre coût pour l'ensemble des parties, donneurs d'ordre et fournisseurs.

Il existe encore très peu de normes en la matière à ce jour, tout se construit aujourd’hui. MedAccred semble donc une voie incontournable pour que les acteurs du DM progressent ensemble.

Un risque majeur est que certains industriels soient réticents à partager leurs savoir-faire et bonnes pratiques en matière d’audit, tant avoir un bon réseau de fournisseurs et partenaires fiables est aujourd'hui stratégique.

Les acteurs européens doivent cependant rapidement s'y impliquer, pour participer à la construction de normes plutôt que devoir les subir, et surtout afin de préserver leur compétitivité. A minima, ils y trouveront un bon outil pour limiter leurs coûts de maîtrise des fournisseurs.

Les auteurs :

Christophe Durand

Christophe Durand a été à la fois client et donneur d'ordre, et a donc vécu attentes et craintes de l'ensemble des parties. Depuis plus de 10 ans, il intervient en Santé, notamment en logistique, en complémentarité des actions relatives aux Achats (PAA ou "Plan d'Action Achats" du Ministère de la Santé). Il a initié la Qualité des Achats chez Latecoere fournisseur de rang 1 en aéronautique).

En conseil, il s'investit en particulier en "supplier development", pratique qui va au-delà du simple audit, et cherche à accompagner le fournisseur dans ses démarches de progrès. Il est ingénieur de l'Ecole Centrale et certifié CPIM (Supply Chain).

Rodolphe Devevey

Rodolphe Devevey est impliqué au quotidien dans les audits et les actions de développement de fournisseurs du DM, en tant que directeur des Achats pour Moria (instruments chirurgicaux).

Ingénieur ENSMM, il a complété sa formation par un MBA à l’IAE de Paris et un module Achats à l’ESSEC, et a créé un Club Achat organisant des conférences à Paris chaque mois.

Denys Durand-Viel

Denys Durand-Viel, expert reconnu des affaires réglementaires dans les DM, a créé le réseau "DM Experts".

Il a plus de 38 ans d’expérience dans les dispositifs médicaux, notamment comme directeur qualité et affaires réglementaires pour des implants orthopédiques ainsi que 20 ans dans des organismes notifiés de renommée internationale.


fr.p-r-i.org

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