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Composants > Electronique/optique

Piles à combustibles bio-enzymatiques : une source d’énergie naturelle

Publié le 18 décembre 2019 par Patrick RENARD
Pile à combustible bio-enzymatique présentée par le Dr Jules Hammond, PDG/CTO et co-fondateur de BeFC.
Crédit photo : BeFC

Alternative écologique aux piles bouton classiques au lithium, la biopile à base de papier de la start-up BeFC est particulièrement bien adaptée à l’alimentation de DM portables connectés. Une innovation de rupture made in France, issue des laboratoires du CNRS.

L’utilisation de dispositifs électroniques à usage unique utilisant des piles bouton s’est accélérée dans le secteur médical avec l’arrivée de la prise en charge de soins et de diagnostics rapides tant à l’hôpital qu'à domicile. Les dispositifs médicaux portables se développent tous azimuts, notamment dans la gestion du diabète, avec des moniteurs de glucose non-invasifs, qui assurent une surveillance des patients de façon continue.

La collecte et le recyclage de ces dispositifs peuvent cependant se révéler complexes et coûteux en raison de la présence de piles bouton polluantes. En fait, 97 % des piles au lithium ne sont pas triées et finissent dans des décharges ou des incinérateurs. Le problème du recyclage est particulièrement épineux pour les dispositifs médicaux, à cause des risques de contaminations croisées.

C’est pour résoudre ce problème que la société BeFC (Bioenzymatic Fuel Cells) développe des cellules bio-enzymatiques génératrices d’électricité. Une technologie brevetée dont la vocation est de remplacer écologiquement et durablement les piles lithium dans de nombreux appareils électroniques à usage limité dans le temps. Le besoin est particulièrement important dans le domaine de la santé avec la multiplication des dispositifs de diagnostic connectés et/ou à usage unique, mais d'autres secteurs sont demandeurs.

De la recherche fondamentale à l’industrie

Incubée par la SATT de Grenoble, Linksium, BeFC a de fortes racines académiques sur le campus de l'Université Grenoble Alpes. La thématique de recherche, dédiée au développement d’une source d’énergie verte pour des dispositifs à usage unique ou jetables à faible consommation d’énergie, a été initiée et coordonnée par le Dr. Michael Holzinger.

Co-fondateur de BeFC, Michael Holzinger est Directeur de Recherche au CNRS dans l’équipe BEA du Département de Chimie Moléculaire à Grenoble.

Membre de l’équipe BEA (Biosystèmes Electrochimiques et Analytiques) au sein du Département de Chimie Moléculaire (dirigé par Dr. Serge Cosnier) - pionnière de la recherche sur les biopiles implantables - le Dr. Michael Holzinger a été tout particulièrement interpellé par le problème récurrent de la durée de vie opérationnelle des biopiles.

En 2018, le premier assemblage de biopiles à glucose, connectées en série, a permis d’alimenter un test d'ovulation à plusieurs reprises (https://doi.org/10.1016/j.snb.2018.09.033). Ce dispositif était de la taille d’un cube de 5 cm de côté. Depuis, d’importantes améliorations ont été apportées sous la direction du Dr. Jules Hammond avec une nouvelle configuration de la source d’énergie, basée sur un papier ultra-mince et flexible.

Créée sur cette base, BeFC a ensuite mis au point un environnement favorable aux enzymes avec des nanomatériaux de carbone fonctionnalisés, pour améliorer considérablement leur stockage et leur durée de fonctionnement. Conçu jusqu’au niveau moléculaire, cet environnement permet également des transferts d'électrons rapides et efficaces depuis et vers les enzymes, générant des puissances compétitives (2,5 mW par cm2). L’entreprise a ainsi pu miniaturiser la technologie dans un format papier de moins de 1 cm2 de surface et moins de 500 µm d'épaisseur. Ce qui répond aux besoins de stockage d'énergie des tests médicaux électroniques d'analyse et de surveillance.

Comment ça marche ?

La technologie brevetée de ces piles bio-enzymatiques consiste en l’assemblage de plusieurs couches à base de papier convertissant du glucose en énergie électrique. Tous les composants sont biosourcés. Aucun métal ou produit chimique coûteux ou dangereux pour l'environnement n'est utilisé. Le glucose est évidemment non toxique, non explosif et même comestible. Résultat, les piles peuvent être jetées, brûlées, partiellement recyclées ou compostées, sans impact sur l'environnement.

Schéma de fonctionnement des cellules bio-enzymatiques au format "pile bouton".

Le principe de fonctionnement est analogue à celui des piles à combustible (hydrogène) conventionnelles : un catalyseur oxyde un combustible à une électrode (anode) et un catalyseur réduit un comburant à une autre électrode (cathode). Les réactions d'oxydation/réduction se produisent à des potentiels distincts dont la différence donne la tension de la pile. Le courant correspond à la conduction des électrons de l'anode à la cathode. Si le platine est le catalyseur le plus utilisé dans les piles à combustible classiques, il ne s’agit pas ici de métal, mais de catalyseurs biologiques : des enzymes, produits par la culture de champignons.

PDG/CTO et co-fondateur de BeFC, Jules Hammond est titulaire d'un doctorat sur les biocapteurs à micro- et nanocapteurs.

L’un des principaux avantages de cette technologie repose sur le fait que l’activité catalytique est optimale à température ambiante et à pH neutre, contrairement au platine. Cette activité est toutefois limitée dans le temps, car les enzymes se dénaturent et se dégradent naturellement. Ce qui limite les domaines d’utilisation au court terme. La technologie durable et écologique de BeFC est ainsi proposée pour alimenter des capteurs électroniques, des microprocesseurs, des mémoires flash et des émetteurs sans fil destinés à un usage unique ou de durée modérée.

A noter que la configuration ingénieuse permet des conceptions sur mesure en termes de puissance, de taille et de forme pour répondre aux besoins énergétiques et aux contraintes physiques du dispositif à alimenter.

Un premier prix international 

Le jury international de Leyton a récemment élu, à l’unanimité, BeFC au titre de "global game changer" mondial et lui a décerné le Prix International "Leyton Sustainable Startup challenge". Un prix qui s’est notamment traduit par la mise à disposition d’un stand d’exposition au Consumer Electronics Show (CES 2020) qui se tiendra à Las Vegas du 7 au 10 janvier 2020.

« BeFC a déjà noué des liens avec plusieurs entreprises avant-gardistes, qui effectuent actuellement des essais avec cette technologie, intégrée dans de futurs produits », explique le Dr. Hammond, PDG/CTO et co-fondateur de la société grenobloise.

La production en série des piles à base de cellules bioenzymatiques, avec une ligne automatisée, devrait intervenir d’ici 2022.

[source des illustrations : BeFC]


befc.fr

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