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Le laser au service d’échographies sans contact

Publié le 07 juillet 2020 par Patrick RENARD
Première image de tissu humain utilisant la nouvelle technique d'échographie laser sans contact (à gauche) par rapport à l'échographie classique (à droite).
Crédit photo : MIT

Des chercheurs du MIT ont développé une technique d'échographie laser particulièrement prometteuse. Elle permet, à distance, de générer des ultrasons à la surface de la peau et de détecter les ondes réfléchies par les tissus internes, avec une "visibilité" de 6 cm de profondeur... pour l'instant.

L'échographie conventionnelle consiste à presser une sonde avec du gel sur la surface de la peau pour générer des ultrasons et capter les ondes renvoyées par les muscles, la graisse et autres tissus mous. Ces ondes réfléchies permettent de reconstituer les images de l'intérieur du corps de façon non-invasive et sans exposer les patients à des rayonnements nocifs comme le font les scanners à rayons X.

L'inconvénient de l'échographie à ultrasons, c'est de nécessiter un contact avec la peau. Cela peut être un gros problème pour certains patients à la peau sensible, comme les nouveaux-nés, les victimes de brûlures, etc. De plus, le contact avec la sonde à ultrasons induit une variabilité d'image importante, qui constitue un défi majeur en échographie moderne.

Les chercheurs du MIT (Massachussetts Institute of Technology) ont trouvé une alternative à l'échographie conventionnelle, sans besoin de contact avec la peau pour voir à l'intérieur du corps d'un patient. Cette nouvelle technique d'imagerie repose sur l'émission, à distance, d'un faisceau laser sans danger pour les yeux ni la peau. Le laser envoie des impulsions lumineuses qui sont absorbées par la surface de la peau et converties en ondes sonores par effet photo-acoustique (génération d'ondes mécaniques à partir de lumière). Ces ondes rebondissent à l'intérieur du corps. Celles qui reviennent vers la surface de la peau sont captées par un interféromètre laser pour être ensuite traduites en images comme dans l'échographie conventionnelle.

Crier dans un canyon... avec une lampe de poche

Pour rentrer quelque peu dans les détails, l'effet photo-acoustique s'obtient généralement avec un laser pulsé accordé sur une longueur d'onde particulière, qui traverse l'épiderme et est absorbé par les vaisseaux sanguins. Ceux-ci se dilatent et se détendent rapidement, chauffés par l'impulsion laser puis refroidis par le corps, et ceci de façon répétée. Les vibrations mécaniques qui en résultent génèrent des ondes sonores. Les ondes réfléchies peuvent être détectées par des transducteurs placés sur la peau et traduites en images photo-acoustiques. En plus de nécessiter un contact pour la détection, cette exploitation de l'effet photo-acoustique ne permettait, jusqu'alors, que de visualiser les vaisseaux sanguins juste sous la peau, mais pas beaucoup plus profondément.

Étant donné que les ondes sonores voyagent plus loin dans le corps que la lumière, l'équipe du MIT a cherché un moyen de convertir la lumière d'un faisceau laser en ondes sonores immédiatement à la surface de la peau, afin d'obtenir une image plus profonde dans le corps. Elle a sélectionné un laser avec une longueur d'onde de 1550 nm, particulièrement absorbée par l'eau, et donc par la peau (essentiellement composée d'eau), qui se réchauffe et se dilate en réponse aux impulsions lumineuses. Alors qu'elle revient à son état normal, la peau elle-même produit des ondes sonores qui se propagent à l'intérieur du corps.

Pour détecter les ondes sonores réfléchies, les chercheurs ont utilisé un deuxième laser, continu celui-ci, réglé sur la même longueur d'onde de 1550 nm. Ce laser est un détecteur de mouvement sensible qui mesure les vibrations à la surface de la peau causées par les ondes réfléchies. Ce mouvement de la surface de la peau provoque un changement, mesurable, de la fréquence du faisceau laser. En balayant mécaniquement le corps avec les deux lasers, les scientifiques peuvent acquérir des données à différents endroits et générer une image de la région d'intérêt.

« C'est comme si nous hurlions constamment dans le Grand Canyon en marchant le long du mur et en écoutant l'écho à différents endroits », explique Brian W. Anthony, chercheur principal au département de génie mécanique du MIT et à l'Institut de génie médical et des sciences (IMES). "Cela fournit suffisamment de données pour déterminer la géométrie de tous les éléments contre lesquels les ondes ont rebondi ; et les cris se font en fait avec une lampe de poche."

Des essais sur les avant-bras de volontaires

Les chercheurs ont d'abord utilisé la configuration qu'ils ont mise au point pour visualiser des éléments métalliques intégrés dans un moule en gélatine assimilable à de la peau en termes de teneur en eau. En scannant le même moule à l'aide d'une sonde à ultrasons du commerce, ils ont constaté que les deux images étaient d'une similitude encourageante. Ils sont passés ensuite à l'imagerie d'un tissu animal excisé, en l'occurrence de la peau de porc. Ils ont ainsi constaté que l'échographie laser pouvait distinguer des caractéristiques plus subtiles, telles que la frontière entre les muscles, la graisse et les os.

Enfin, l'équipe a réalisé les premières expériences d'échographie laser chez l'homme, en utilisant un protocole qui a été approuvé par le Comité du MIT sur l'utilisation des humains comme sujets expérimentaux. Le système a été testé sur les avant-bras de plusieurs volontaires sains. Il est apparu que les ultrasons générés par le laser, à une distance de 50 cm de la peau des patients, sont sensibles aux mêmes caractéristiques des tissus qu'avec l'échographie classique. Des images ont ainsi pu être obtenues, sans contact, jusqu'à 6 cm de profondeur sous la peau, comparables aux images générées à l'aide de sondes à ultrasons classiques.

Vers une imagerie à domicile ?

« Nous sommes au début de ce que nous pourrions faire avec l'échographie laser », explique Brian W. Anthony.« Imaginez que nous arrivions à un point où nous pouvons faire tout ce que l'échographie peut faire maintenant, mais à distance. Ce serait une nouvelle façon de voir les organes à l'intérieur du corps et de déterminer les propriétés des tissus profonds, sans entrer en contact avec le patient. »

Les chercheurs prévoient d'améliorer leur technique et recherchent des moyens d'augmenter les performances du système pour gagner en résolution. Ils cherchent également à perfectionner les capacités du laser de détection. En outre, ils espèrent pouvoir miniaturiser le système, afin que l'échographie laser puisse un jour être déployée sous forme d'appareil portable.


web.mit.edu

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